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La cornemuse en France

Quelques variétés (il en manque surement) :

La cabrette auvergnate La chabrette limousine La musette du poitou Le biniou koz Les bohas La cornemuse du centre La veuze La caramusa La musette berrichonne La musette bechonnet La musette de cour

De renommée mondiale sous sa forme écossaise, la cornemuse appartient à une famille étonnamment diversifiée. Son aire de distribution géographique est constituée principalement par l'Europe dans son ensemble et par les pays voisins de la Méditerranée.

La France est un des pays d'Europe les plus riches en différents types de cornemuse. On y dénombre 16 variétés de cornemuse, tant populaires que savantes. Depuis l'époque médiévale, chaque étape de l'histoire ou presque, nous a légué une forme de l'instrument, sans pour autant faire disparaître les cornemuses antérieures, et l'ensemble nous offre la perspective de sept siècles d'évolution organologique, grâce au conservatoire vivant que constituent les musiques traditionnelles, ainsi qu'au savoir-faire des facteurs savants des XVIIe et XVIIIe siècles.

Si, au XIII e siècle, l'instrument, d'après le témoignage de l'iconographie médiévale, semble avoir déjà des formes différentes, un stéréotype parait répandu dans la plupart des régions d'Europe et dans toutes les formes de musiques, populaires et savantes, dans chacune de ces mêmes régions et notamment dans celles qui constituent maintenant la France, trouvant à chaque fois une forme nouvelle, et ce jusqu'à la période contemporaine.

La cornemuse va connaître également une profonde évolution entre les XVIe et XVIIIe siècles, cette fois intégrée aux ensembles de musique savante et très prisée par la noblesse.

Le plus grand soucis en France, c'est que les autres régions n'ont pas su garder leur origines celtes. Je tiens à préciser que la Bretagne n'est pas le berceau de la culture celte en France, et que si l'on reprend les livres d'histoire, la Gaule était peuplée par un peuple celte que se nommait les Gaulois.

Pour preuve, pas mal de découvertes de monuments celtes ont été faites dans tout le pays. C'est afin que l'on retrouve tous nos origines et aussi par amour pour la musiques celte et par amour pour l'instrument de musique que certaines personnes dont moi même travaillons à cette redécouverte.

Le mot musette est utilisé comme terme générique depuis au moins trois siècles pour désigner les cornemuses en Berry, Bourbonnais, Nivernais, Auvergne, Morvan et Bresse. Les cornemuses de ces régions du Massif Central sont signalées et décrites dès le XVIIème siècle par Marin Mersenne dans son "Harmonie Universelle" (1636), sous le nom de cornemuse des bergers. La description qu'il fait de cet instrument, et le dessin qu'il en propose, évoque très exactement les "musettes" du Centre France, telles qu'elles sont jouées aujourd'hui encore en Berry ou Bourbonnais , et bien qu'il ne précise aucune localisation. Les chabrettes limousines sont situées à la croisée des cornemuses de bergers et des cornemuses de Poitou que Mersenne cite et décrit par ailleurs : des premières, les chabrettes conservent le boîtier-tête rectangulaire, qui soutient le hautbois et le petit bourdon. Des haut-bois et cornemuses de Poitou, la chabrette possède le gros bourdon latéral porté sur l'avant-bras, percé d'un triple tuyau cylindrique en réseau, et le hautbois à pavillon rapporté et fontanelle, protégeant une clef double. La fontanelle percée de trous, héritage des hautbois de la Renaissance, est une caractéristique de la chabrette limousine, partagée avec les grandes cornemuses du sud de l'Italie de type "zampogna", avec lesquelles les collectionneurs du XIXème siècle l'ont souvent confondue.


Mais le caractère très particulier des chabrettes, outre les singularités organologiques que nous venons de citer, tient à son décor. Ces cornemuses sont abondamment chargées de signes religieux et para-religieux, parfois bien difficiles à déchiffrer pour l'observateur contemporain, mais qui possédaient à l'époque de leur fabrication et pour les acteurs du contexte social de leur origine des significations fortes et parfaitement lisibles. Ce décor s'articule autour de formes et de matières choisies, ne devant rien aux hasards d'une recherche esthétique libre, mais bien au contraire s'inscrivant dans des cadres et des canons renvoyant à des significations et des symboliques précises. Les matières en sont le buis, l'os, la corne, l'étain et le verre pour les pièces tournées et serties par l'artisan; le cuir, le velours pour la poche, à quoi s'ajoutent le métal pour les chaînes, et le roseau ou le sureau pour les anches. Tout ces matériaux étaient facilement trouvés sur place par les fabricants : mais leur agencement particulier fait sens. Le caractère le plus fort des chabrettes reste sans doute la présence permanente des miroirs incrustés ou scellés dans le boîtier. En France, cet exemple est unique. En Europe, on connaît des cornemuses slovaques portant le même type de décor : un miroir rectangulaire incrusté dans la tête (de chèvre) de la cornemuse. Le rapport serait lointain si l'on considérait le seul espace géographique, ou si l'on comparait les types organologiques très différenciés de ces deux cornemuses. Mais si l'on considère la puissante symbolique chrétienne attachée au miroir depuis la Contre-Réforme et le XVIIème siècle, et la présence notable de l'Eglise Catholique dans les pays d'Europe, on peut considérer différemment la symbolique du miroir relevée sur les instruments de musique, mais aussi sur des objets domestiques. Les chabrettes, comme nous le verrons par ailleurs, possèdent un parcours et une histoire où l'usage dans des cadres rituels est permanent depuis le XVIème siècle : processions et encadrement de confréries religieuses à Limoges, références nombreuses aux "bergers de la Crèche" lors des Messes et cérémonies de Noël.
Peut-on suggérer que les décors symboliques d'autres cornemuses du Centre, et particulièrement des musettes bourbonnaises ou berrichonnes dites "grandes incrustées", soient eux-memes des références à un art religieux d'inspiration catholique? Les brillances mates du décor d'étain incrusté, tel qu'il apparaît sur les boîtiers du fabriquant Jean Sautivet (1796-1867), évoque immanquablement, pour moi, le miroir symbole de la Vierge ou symbole du Christ .
Car le symbole solaire, l'ostensoir et le miroir rayonnant sont dans le vocabulaire catholique de la Contre-Réforme et l'esthétique baroque un même symbole du Christ ou de la Vierge, et de leur protection supposée sur l'objet, sur son utilisateur, sur l'espace musical et social mis en scène.

La trace des premières chabrettes, du point de vue de la représentation, se perd après Marin Mersenne (1636). Possédons-nous des cornemuses de type "chabrette" datant de l'époque de l'Harmonie Universelle? Peut-être.
Celles que nous considérons aujourd'hui comme les instruments-mères, les "matrices" des chabrettes, sont connues et sont présentées dans notre exposition. Quatre exemplaires de cette cornemuse sont conservés aujourd'hui : une au Gemeentemuseum de La Haye, une autre qui provient du Musée de Brest, une autre du Musée de Montluçon, et une enfin provenant du Musée du Conservatoire-Musée de la Musique de Paris, auxquelles il faut ajouter un hautbois isolé dans les collections du même Musée (Hautbois "iean"), et un exemplaire perdu, visible sur une photo de l'ancienne collection Baron de Léry, puis de la collection Cesbron. Ces cornemuses proviennent toutes du même facteur, elles sont du même style, de la même main, elles ont presque les mêmes dimensions et proportions. Leur décor est strictement identique. Seul le modèle de La Haye se distingue par un mode d'insufflation à l'aide d'un soufflet qui semble d'époque. Du point de vue de l'organologie, ce sont des "super-chabrettes": le hautbois à perce conique, anche double, pavillon rapporté, fontanelle et clef double, est bien présent. Le bourdon est bel et bien porté sur le bras, et sa perce cylindrique est bien repliée en "S" dans le premier segment, tout comme pour les cervelas de la Renaissance. Les décors tracés à l'acide sur toutes les pièces de bois, les miroirs incrustés et les motifs empruntés à l'iconographie chrétienne sont très présents. Mais la singularité de ces grandes cornemuses tient à la présence d'un bourdon supplémentaire : parallèlement à la perce triple du gros bourdon, un bourdon direct est percé lui aussi dans le bloc de bois, et repose sur l'avant-bras du musicien. Il est à perce conique et anche double, tout comme le "petit" bourdon" du boîtier. Enfin l'exemplaire de La Haye, gonflé avec un soufflet, possède une anche double pour le gros bourdon à perce triple...
Ces instruments de première importance nous posent plusieurs problèmes: ont-ils précédé le type "chabrette" ou n'en sont-ils qu'une déviance expérimentale? Quel fut leur contexte d'utilisation? Les copies très fidèles réalisées par le luthier Claude Girard ont permis de montrer que ces instruments possèdent une couleur musicale évocatrice des petits orgues; leurs possibilités les rattachant sans aucun doute aux musiques savantes, la présence d'un hautbois isolé (hautbois marqué "iean" du Musée du Conservatoire) laissant entrevoir la possibilité d'un jeu à plusieurs parties, tel que le décrit Mersenne pour les "Hautbois et cornemuses de Poitou", avec une "taille", une "basse" et un "dessus". Ce type de jeu en duo ou trio, cornemuses-hautbois, est du reste attesté aujourd'hui encore en diverses régions d'Europe, que ce soit en Bretagne (bombarde/biniou) ou Italie du sud (ciaramella-zampogna).
Du point de vue historique, une contribution essentielle à l'iconographie musicale est sans doute ce tableau intitulé Bal à la cour de Henri III conservé au Musée du Louvre. Peint en 1581 pour les noces de Anne de Joyeuse, un favori du Roi, le tableau décrit un bal de Cour.

La cornemuse n'a pas de gage à être obligatoirement celte non plus ! Vu ses origines.